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Maigrir en arrêtant le sucre : mythe ou réalité ?

Éliminer le sucre peut faciliter la perte de poids. Encore faut-il bien regarder les étiquettes des aliments car il se niche partout. Explications.
Pépites de sucre sur les lèvres d’une femme

Haro sur le sucre ! Pas une semaine sans qu’un livre, une émission de télévision ou un post sur les réseaux sociaux ne viennent nous rappeler que le sucre est notre ennemi et qu’il faut l’éliminer.

C’est d’ailleurs le titre de l’ouvrage du Dr Réginald Allouche, (Sucre : l’ennemi public numéro 1, éd. Albin Michel, 2024), qui tire la sonnette d’alarme. « Les méfaits du sucre sont bien réels : diabète de type 2, surpoids, obésité, Mash (maladie du foie gras). Selon l’étude épidémiologique nationale sur le poids et l’obésité de la Ligue nationale contre l’obésité, en 2024, près de 10 millions de Français âgés de 18 ans et plus sont en situation d’obésité. Face à l’absence de réglementation sur l’utilisation du sucre, la guerre doit être individuelle afin de reprendre le pouvoir sur notre propre métabolisme. »

Pain de mie, jambon blanc… le sucre est partout

Mais de quel sucre parle-t-on ? Pas des glucides présents dans les pâtes, le riz, le pain… qui sont indispensables à nos cellules, et en particulier à nos neurones, mais des ingrédients sucrants. On connaît bien le sucre de table, le saccharose. Mais il existe bien d’autres moyens de sucrer les aliments : miel, sirop de glucose-fructose, dextrose, aspartame…

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de ne pas consommer plus de 50 g de sucre par jour. Pas facile quand la tentation est partout, notamment dans les rayons des supermarchés où le sucre se niche là où on ne l’attend pas.

En 2024, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), via l’Observatoire de l’alimentation Oqali, a analysé 39 000 produits vendus depuis 2008. 77 % d’entre eux contiennent des ingrédients sucrants, y compris les aliments salés (sauces, snacks, surgelés…). Pire, plus de la moitié des produits mélangent deux sucrants différents.

Il faut dire que « le sucre est un excellent exhausteur de goût et un bon conservateur, assure le Dr Allouche. Une matière première bon marché que les industriels utilisent dans les pains de mie, le jambon blanc ou les apéritifs. Même la saumure des cornichons en bocaux en contient ! »

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Dans cette chasse au sucre, le consommateur dispose d’une arme implacable : la lecture des étiquettes des produits. « Attention au terme générique “glucides”. C’est surtout la mention “dont sucres” que vous devez regarder. Plus il est élevé, moins le produit est sain », indique le Dr Jean-Michel Cohen. Le nutritionniste insiste aussi sur la mention « sirop de glucose-fructose », aussi connue sous le nom de « sirop de maïs ».

Peu cher et plus sucrant que le sucre classique, il est utilisé dans de nombreux produits et doit être évité. Autre outil salvateur pour le consommateur, le Nutri-Score, avec ses lettres de A à E et du vert au rouge, qui fournit une information claire sur la qualité nutritionnelle d’un produit. Un système réévalué en janvier 2025 et qui, dans son nouveau mode de calcul, pénalise davantage les produits sucrés.

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6 kilos perdus en un an

À la formule « j’arrête le sucre », on devrait donc ajouter : j’arrête le sucre… caché. C’est ce qu’a fait Danièle Gerkens en 2015 au cours d’une expérience racontée dans son livre Zéro sucre. Pendant un an, la directrice de la rédaction d’Elle à Table a supprimé de son alimentation les aliments sucrés et toute la nourriture ultratransformée. Mais elle a continué à consommer des fruits, légumes et les sucres complexes contenus dans le pain, les pommes de terre, les pâtes.

« Les trois premiers jours, j’étais euphorique. Puis, l’envie de sucre m’a rattrapée. Il a fallu six à huit semaines pour que mon logiciel se désactive […] J’ai perdu six kilos, soit 10 % de mon poids corporel cette année-là. » À la fin de son aventure, la journaliste a réintroduit le sucre, mais différemment. « Aujourd’hui, je ne mange plus de dessert, sauf pour les anniversaires ou les fêtes de fin d’année. »

L’arrêt du sucre ferait donc maigrir ? Pas si simple. Il y a bien un lien entre une alimentation sucrée et la formation de graisses dans le corps. Lorsque nous mangeons, le glucose des aliments rejoint la circulation sanguine et provoque une hyperglycémie. Le pancréas libère alors de l’insuline, qui va diminuer le taux de glucose dans le sang en le stockant dans le foie, les cellules musculaires… et les cellules adipeuses. Là, le glucose est transformé en triglycérides, autrement dit en graisses. Le sucre contribue donc bel et bien à nos capitons.

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La règle d’or : moins d’excès caloriques

Mais cela ne veut pas dire qu’en elle-même la consommation de sucre nous fasse prendre des kilos. Pour grossir, il n’y a qu’une règle qui vaille : il faut consommer plus de calories que l’on en dépense. Ainsi, le sucre ne fait grossir que lorsqu’il contribue à un excès d’apports caloriques. L’inverse est vrai aussi. L’arrêt du sucre fait maigrir si tous les aliments sucrés supprimés diminuent les apports caloriques au point d’être inférieurs aux dépenses.

Pour le Pr Boris Hansel, directeur de l’unité de nutrition-prévention de l’hôpital Bichat, à Paris, ce n’est pas tant l’arrêt du sucre qui permet une perte de poids que les changements pérennes de comportements alimentaires que cela induit.

Si l’on se passe de sucre, on fait l’impasse sur les viennoiseries à côté de la machine à café au bureau (un croissant = 406 kcalories), le pop-corn au cinéma (443 kcal pour 100 g), le chocolat devant la télé, bref, un sacré paquet de grignotages souvent caloriques. « Aucune étude n’a jamais montré que la réduction à calorie égale du sucre ou du gras avait un impact sur la perte de poids. Ce qui est vrai, c’est qu’en arrêtant le sucre, on change sa façon de s’alimenter et l’on réduit sa consommation inconsciente. C’est ce changement de comportement et l’attention portée à soi qui occasionnent une perte de poids. »

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Un syndrome de « sevrage » chez certains

Pour le Pr Hansel, auteur du livre Manger l’esprit léger (éd. Michel Lafon, 2025), le discours sur l’arrêt du sucre est même illusoire et culpabilisant. Il rejoint la cohorte d’injonctions alimentaires aux effets anxiogènes. Plutôt que de s’interdire le sucre et de se fixer des objectifs trop élevés, le Pr Hansel conseille à ses patients de limiter les produits ultratransformés et les boissons sucrées, source importante et pas forcément consciente de sucre.

Une relation apaisée au sucre, beaucoup en rêvent. Mais force est de constater que nous ne sommes pas tous égaux devant cet aliment plaisir. Car bien plus qu’un simple nutriment, le sucre est relié à nos émotions, nos souvenirs d’enfance et nos rituels familiaux.

Certains n’hésitent pas à parler d’addiction tant leur relation à cet aliment est compulsive. Si le terme fait bondir la plupart des nutritionnistes, il n’en reste pas moins que le sevrage au sucre a parfois des similitudes avec celui de la cigarette ou de l’alcool.

C’est ce qu’a vécu Anna Roy, sage-femme en situation d’obésité qui, en 2023, a ressenti des sueurs, maux de tête et crises d’angoisse dès l’arrêt du sucre. La coach en nutrition Bérengère Philippon a subi cette période de frustration lorsqu’elle a décidé de se passer de sucre, notamment pour perdre les 5 kg accumulés lors de ses grossesses. « Les premières semaines, j’avais des pulsions sucrées régulières, puis mon corps s’est déshabitué. Aujourd’hui, j’ai appris à me contenter de fruits, de chocolat noir ou d’une petite cuillère à café de miel de temps en temps et je privilégie les bonnes calories. »

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Un potentiel addictif important

Des témoignages de sevrage qui n’étonnent pas Serge Ahmed, directeur de recherche au CNRS, à l’Institut de neurosciences cognitives et intégratives d’Aquitaine. En 2007, il a mené une expérience étonnante. « Nous avons donné à des rats des drogues diverses (cocaïne, héroïne, nicotine, alcool) pendant plusieurs semaines. Quand nous leur avons proposé le choix entre ces drogues et du sucre, ils se sont dirigés vers la boisson sucrée et n’arrivaient plus à s’arrêter. » En cause, une activation, dans le cerveau, du circuit de la récompense impliquant la dopamine et une gratification immédiate qu’ils n’avaient pas avec la drogue, même par voie intraveineuse.

Pour le neurobiologiste, il ne faut pas en déduire que le sucre est plus addictif que la drogue, mais que sa consommation chronique et prolongée entraîne, comme pour d’autres drogues, des modifications biologiques durables dans le cerveau. Si, en France, aucune étude n’a été menée pour mesurer la fréquence de l’addiction au sucre, au Canada, en Allemagne et aux États-Unis, elle toucherait de 5 à 10 % des populations.

De là à prévoir des consultations d’addict au sucre, il n’y a qu’un pas… que franchit ­allègrement le Dr Réginald Allouche. « Le sucre appelle le sucre. Si tel n’était pas le cas, nos industries agroalimentaires n’en ajouteraient pas pratiquement dans toutes leurs productions, même salées. Peut-être qu’un jour, les addictologues poseront un diagnostic de dépendance au sucre. »

En attendant, rien ne sert de tomber dans la paranoïa. Le sucre fait partie de notre environnement et ne va pas disparaître. Le supprimer totalement semble donc vraiment irréaliste. Vivre avec en bonne intelligence paraît être l’attitude la plus judicieuse. D’autant que le plaisir reste une variable d’ajustement importante de notre alimentation.