Succession : comment contester un héritage

Le règlement d’une succession n’est pas toujours un long fleuve tranquille. C’est souvent à l’occasion du partage du patrimoine d’un proche décédé que surviennent des désaccords, parfois exacerbés par d’anciens conflits familiaux. Pour autant, « avant de songer à contester le partage d’une succession, l’héritier concerné doit l’avoir au préalable accepté », rappelle Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris. S’il est ensuite préférable de s’accorder à l’amiable, le consensus est parfois impossible à obtenir. Dans ce cas, voici comment procéder.
Qui peut contester et pourquoi ?
Toute personne se sentant lésée par un héritage. Il s’agit souvent des cohéritiers du conjoint survivant, d’un héritier révélé tardivement ou d’un légataire. Cette personne peut être seule contre tous ou s’associer avec d’autres contestant la succession et le partage qui en découle. Les motifs sont nombreux.
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En l’absence de testament, aucun des cohéritiers ne veut céder, ce qui bloque la répartition de la succession. Cela peut être le cas quand chacun désire obtenir le même actif immobilier. « J’ai vu deux sœurs se chamailler pour le même appartement au ski, alors qu’il y avait aussi une maison de campagne », se souvient un notaire. Ces tensions peuvent aussi porter sur la valorisation des biens qui sert de base à la répartition égalitaire du patrimoine.
La forme du testament est dénoncée. « Certains héritiers refusent la validité du testament olographe [testament rédigé par une personne seule sans l’aide d’un notaire, NDLR], car il n’a pas été rédigé dans le strict respect des règles, à savoir : signé, daté et manuscrit », indique Cyrille Farenc, président de la chambre interdépartementale des notaires à la cour d’appel de Lyon. Cette remise en cause arrive moins souvent avec un testament authentique, réputé plus sécurisé car rédigé par le notaire et en présence de témoins.
Le fond du testament olographe est contesté, autrement dit sa véracité (authenticité de l’écriture ou de la signature) et les facultés cognitives de la personne au moment où elle a rédigé ses dernières volontés. Un libellé peu clair ou sujet à plusieurs interprétations peut créer des différends.
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Quand les donations sont source de différends
L’existence ou la découverte tardive de donations passées non déclarées ou déguisées. Cela peut, par exemple, être l’octroi d’un prêt familial officieux d’un parent à un enfant alors que les autres membres de la fratrie n’étaient pas au courant. Les héritiers s’estimant lésés auront le droit de demander que les sommes attribuées à celle ou celui qui a été gratifié soient intégralement rapportées à la succession et comptabilisées dans le partage.
Cette prise en compte aura pour effet de diminuer la part de celle ou celui qui a reçu de l’argent avant le décès. Le désaccord peut aussi concerner un cadeau offert par le défunt. Certains l’interprétant comme un présent d’usage, donc hors succession, d’autres comme un don manuel rapportable à la succession.
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Des enfants du défunt effectuent une action en réduction pour récupérer leur réserve héréditaire (leur part légale d’héritage) à la suite d’une donation au dernier vivant effectuée par leur géniteur à son époux/ou épouse d’un autre mariage. Un héritier non découvert peut aussi se manifester sur le tard et demander sa « part du gâteau ». Dans ce cas, le premier partage est remis en cause et il faudra procéder à une autre clé de répartition.
L’assurance-vie est aussi un sujet fréquent de divisions. En principe, les sommes logées dans cette enveloppe ne sont pas prises en compte dans la succession. C’est d’ailleurs un des atouts phares de l’assurance vie dès lors que son titulaire décède. Pour autant, il arrive que les héritiers découvrent une volonté délibérée du défunt de « charger » son contrat au détriment de ses comptes bancaires dans le seul but d’attribuer son argent à un tiers de son choix désigné dans la clause bénéficiaire.
« Si l’on prouve que les montants placés sur l’assurance-vie sont manifestement exagérés, on va demander une requalification. Les sommes logées dans le contrat d’assurance-vie devront finalement être comptabilisées dans la succession », indique Alexandre Dazin, avocat associé chez Drouot Avocats. L’autre sujet de friction est « la mauvaise rédaction de la clause bénéficiaire que certains héritiers n’acceptent pas », indique Xavier Prugnard de La Chaise, avocat au cabinet Omega Associés.
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Comment contester un héritage ?
Mieux vaut manifester son désaccord le plus tôt possible, soit dès l’ouverture de la succession, soit pendant son déroulement. Il convient d’afficher sa position de préférence avant la signature de l’acte de partage. Rien n’empêche, pour autant, de contester a posteriori, après l’attribution du patrimoine mais dans le respect de certains délais.
La découverte tardive d’un nouvel élément important susceptible de changer la donne est une bonne raison pour revenir sur le partage, comme l’entrée en piste d’un héritier jusqu’alors non identifié.
La procédure amiable
Il est fréquent que le notaire serve de médiateur dans le cadre d’une succession qui se bloque en raison de conflits entre héritiers. Grâce à sa neutralité et sa connaissance du droit, ce dernier est en mesure de jouer l’intermédiaire pour parvenir à mettre d’accord les différentes parties. « Nous ne choisissons ni n’imposons telle ou telle répartition. Nous proposons, dans la mesure du possible, un éventail de solutions susceptibles de contenter tout le monde. Au final, ce sont les héritiers qui tomberont d’accord ou pas », souligne Jean-François Sagaut, notaire à Paris.
Si cette tentative échoue, un héritier insatisfait pourra alors se tourner vers un avocat. Après explication de son cas et des motifs de sa contestation, cet homme de loi – certains sont spécialisés dans le droit des successions – pourra prodiguer des conseils sur les chances de réussite et sur les modalités d’action. « En cas de désaccord entre héritiers, nous pouvons, à la demande de l’un d’entre eux, intervenir au cours des différentes étapes de la succession, qui vont du recensement des biens jusqu’au moment du partage et au-delà », indique Xavier Prugnard de La Chaise.
Pour défendre vos droits et pousser votre demande, l’avocat commencera par prendre contact avec le notaire et avec les différentes parties concernées. Il enverra une ou plusieurs lettres recommandées avec accusé de réception détaillant les motifs de la contestation, avec éventuellement des preuves afin de demander le partage sollicité par son client ou trouver une solution à l’amiable.
Pour faire valoir vos arguments, l’avocat devra, avec votre aide, trouver des documents utiles à la demande comme des traces d’opérations bancaires sur les relevés de comptes bancaires. « On peut remonter les flux financiers sur les comptes bancaires du défunt jusqu’à dix ans à compter du décès », indique Alexandre Dazin. La charge de la preuve repose sur le demandeur. Si les héritiers se battent pour l’attribution d’un même bien immobilier sans vouloir céder, un tirage au sort pourra être envisagé pour l’attribution. Si le désaccord porte sur sa valorisation, le recours à un expert devrait suffire.
Autre solution radicale : la vente du bien aux enchères publiques, totalement transparente, et qui mettra tout le monde d’accord. Ces différends familiaux peuvent durer plusieurs mois, voire plusieurs années après le décès. Le très médiatique partage de l’héritage de Johnny Hallyday s’est finalement réglé à l’amiable mais par avocats interposés.
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La procédure judiciaire
Le recours à la justice constitue l’ultime voie lorsque toutes les autres solutions ont échoué. Le tribunal judiciaire compétent est celui du lieu de la dernière résidence principale du défunt. « Au moment d’entamer une telle procédure, il faut apporter des preuves écrites (copies de courriers, de mails, comptes rendus) qu’il y a bien eu, auparavant, des tentatives de règlement à l’amiable », indique Alexandre Dazin.
Il faut savoir que la procédure est coûteuse (frais d’avocat, d’expertises judiciaires, d’huissier) et longue (souvent entre cinq et six ans). Il convient de comparer en amont le coût total des frais de procédure avec ce que pourrait rapporter cette démarche si elle aboutit. Le jeu n’en vaut souvent pas la chandelle, sauf s’il y a des millions en jeu comme c’est actuellement le cas avec la bataille acharnée des héritiers (ils sont 22) autour de la succession Pierre Cardin, estimée à 800 millions d’euros, sur fond d’accusation en escroquerie, d’abus de faiblesse et de confiance.
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